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- Forum discussions - Discutions sur l'Ile de Sein
Sujet n° 17 |
C'était au temps où des hommes vivaient dans les phares |
le 02/05/2008 @ 23:21 par Loeizh
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Je quitte la lanterne après un dernier coup d’œil sur l’appareil et sur l’horizon, tout est clair. Mes charentaises ne font aucun bruit sur les marches de granit de l’escalier en colimaçon. A hauteur de la deuxième chambre je frappe et ouvre la porte : « Trois heures moins le quart ! » Un grognement me répond tandis que s’allume la petite loupiotte à l’intérieur du lit clos. Je laisse la porte ouverte et continue ma descente jusque la cuisine. J’allume le gaz sous une casserole d’eau tandis que se réchauffe à côté le café dont je rêvais depuis un moment ; j’ai allumé la radio mais je sais que je devrai l’éteindre lorsque Paul arrivera, il ne supporte aucun bruit à son réveil. ...La porte s’écarte doucement devant mon collègue vêtu comme un explorateur polaire, c’est vrai qu’il ne fait pas chaud ! Il sort de son placard la boîte de cacao en poudre,le lait concentré et son bol, qui ne se range pas avec les autres bols de notre étrange maison verticale perdue au milieu de la mer. Le pain est sur la table, avec le beurre ; j’ai éteint la radio.
Il empoigne la casserole et remplit presque à ras bord, le bol bleu ébréché dont les parois portent les coulures anciennes de chocolat qui résistent depuis longtemps aux rinçages discrets de l’après déjeuner. Puis il verse rapidement dans le récipient deux larges cuillerées de poudre brune.
Le débordement a commencé dès la première cuillerée, il s’accentue, et la flaque dans laquelle repose à présent le bol se transforme en mare qui vire au marron, menaçant de déborder de la table. Maintenant il touille consciencieusement en versant le lait. Les premières gouttes atteignant le sol rompent le silence… Il beurre une tartine qu’il plonge jusqu’au plus profond du récipient,en grognant doucement lorsque le liquide brûlant goutte sur ses genoux. Dehors la mer murmure, le vent siffle dans la fenêtre du nord, il faudra songer un jour à remplacer le joint d’étanchéité. Après trois tartines l’inondation a atteint l’emplacement où reposent mes pieds, je les recule discrètement, mes chaussons sont presque neufs. Les minutes s’écoulent dans le silence de la mer,j’ai fini mon café, j’allume une cigarette, je trouve que la vie est belle. Paul se lève et va rincer le bol au robinet de l’évier, une brève ouverture, l’eau ne se gaspille pas dans un phare en mer. Puis il entreprend d’essuyer immédiatement l’objet du rite ; il n’a pas remarqué que j’ai encore planqué le torchon propre. Il revient avec l’éponge et s’attelle à effacer les traces du petit déjeuner, avec les mêmes gestes, dans le même ordre que l’autre nuit, que toutes les autres nuits. Maintenant il lève la tête en s’asseyant en face de moi et prononce dans un grand sourire : « Alors ! » Je sais qu’il ne dira rien d’autre, je commence à raconter mon quart…
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Réponse n° 11 -------- le 13/10/2008 @ 22:18 par Loeizh
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Augustea trouvé une place de parking presque confortable, oùles vagues roulent régulièrement sans déferler.Il est trop tôt pour aller vers Kéréon, c’estsurtout pour ça que nous attendons ici car il est clair quenous ne pourrons pas nous approcher de la Jument aujourd’hui. Lahoule, vue de la baignoire, est telle que le phare disparaîtpresque entièrement lorsque la vedette se vautre dans un creux, puis la vague suivante nous hisse en altitude et nous avons alorsune vue imprenable sur ar gazeg koz et ses alentours. Des fois jem’attends à voir jusqu’au fond de la mer… Ungardien est sorti alors que la base du phare déverse encoreles torrents de la dernière vague. Il crie quelque chose, maisses mots se perdent dans la tourmente. Nous répondons enagitant les bras ; il fait de même puis repart s’abriterdans le vestibule, la prochaine vague n’est pas loin. Quelquesinstants plus tard ils ressortent tous les deux en gesticulant,criant et riant; nous comprenons qu’ils nous demandent si nousavons l’intention de passer la nuit dans le coin ? Enune danse incertaine due à l’instabilité de notresupport, mélange de mime et de langage sémaphorique,nous leur répondons que nous sommes seulement venu piqueniquer ! Ilsn’ont pas gréé letreuil ; visiblement ils ne croient pas une seconde que l’onpuisse tenter quoi que ce soit, ne serait-ce que passer les vivres…Pourtant, demain c’est Noël, leur réveillon serafrugal mais c’est la règle du jeu, tout le mondel’accepte. |
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Réponse n° 12 -------- le 13/10/2008 @ 22:49 par Loeizh
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La voix de Martin couvre brusquement nos joyeux échanges, il tend le bras vers le suroît ! Inutile de leur faire un dessin, les deux joyeux drilles, en haut, déguerpissent en courant tandis que la vague monte lourdement, presque tranquillement, à l’assaut du phare. C’est une grosse, une très grosse, même, inquiétante de puissance aveugle ; son souffle est d’autant plus impressionnant que nous sommes dans un creux qui nous abrite du vent… Nous n’entendons qu’elle ! Le sentiment de sécurité dans lequel nous baignions une seconde auparavant, disparaît instantanément; Auguste embraye vivement et met un grand coup de gaz. Nous sommes à plus de cent mètres de la bête, mais on ne sait jamais…on est si petit, si fragile, face à ça… … Elle est montée jusqu’à mi-hauteur de la tour, dans un fracas qu’on peut difficilement décrire parce que rien de tel n’existe ailleurs; les pires contrefaçons en ce domaine étant sans doute celles que le cinéma ou la télé nous infligent, lorsqu’ils se risquent à présenter des histoires de mer. Auguste n’a pas ralenti l’allure, la vedette franchit les premières vagues du Fromveur, cap sur Kéréon. Je regarde mon jeune collègue qui, bouche bée, fixe toujours la Jument :« En route pour ton premier Noël en mer !» Je crois d’abord qu’il ne m’a pas entendu, puis il tourne lentement les yeux vers moi. La vague est restée là, coincée au fond de son regard... |
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